27/06/2014
La presse ultralibérale traite le pape de léniniste
Aigreur croissante du business envers François :
Il y a deux façons de résister au témoignage du pape François : l'applaudir très fort pour couvrir sa voix (c'est la posture des hypocrites), ou l'attaquer franchement.
La presse économique anglo-saxonne a choisi la seconde attitude. Forbes Magazine avait traité de pape de « socialiste » ; The Economist vient de surenchérir en le traitant de léniniste. Pourquoi ? Parce que François a dit une chose que Lénine avait dite, en son temps, sur le capitalisme et les guerres. Pour la mentalité contemporaine les idées n'ont pas de substance propre : ce qui compte est « l'image » de celui qui les énonce ; si son « image » est mauvaise, son idée doit être huée. (C'est ce qu'on appelle depuis vingt-cinq ans le politically correct, issu d'une conception marketing de la vie publique). Si Lénine un jour de pluie a dit : « il pleut », nos médias interdiront à quiconque de parler de pluie [*] sous peine d'être déclaré léniniste... Le pape constate que les guerres ne sont pas sans lien avec le capitalisme ? Lénine l'avait dit également, à sa manière ; donc le pape est un léniniste qui nous ramène aux heures sombres de l'histoire (avant l'aube reagano-thatchérienne). Et The Economist conspue le pape !
C'est dans son numéro du juin. Le magazine ultralibéral commente cette déclaration de François au quotidien catalan La Vanguardia :
« On exclut toute une génération pour maintenir un système économique qui ne tient plus, un système qui pour survivre doit faire la guerre, comme l'ont fait tous les grands empires. Mais comme on ne peut pas faire une troisième guerre mondiale, alors on fait des guerres régionales. On fabrique et on vend des armes, et ainsi, on remet d'aplomb les bilans comptables des économies idolâtres, les grandes économies mondiales qui sacrifient l'homme aux pieds de l'idole qu'est l'argent. »
Commentaire de The Economist : « En faisant un lien entre le capitalisme et la guerre, le souverain pontife adopte une ligne ultra-radicale : consciemment ou pas, il reprend le diagnostic que Vladimir Lénine dresse du capitalisme et de l'impérialisme comme principales raisons du déclenchement de la première guerre mondiale, il y a un siècle. »
Hélas pour The Economist, les historiens sérieux ont constaté depuis longtemps que le capitalisme et l'impérialisme (économique) avaient joué un rôle décisif dans la catastrophe de 1914, naufrage dans lequel les nationalistes ne jouèrent qu'un rôle d'idiots utiles...
Hélas aussi pour The Economist, la radicalité du pape François ne le sépare pas de ses prédécesseurs. Sa sévérité à l'encontre du capitalisme financier était contenue en germe dans toutes les encycliques sociales depuis Léon XIII : la seule différence est que le pape argentin l'exprime de façon percutante, accessible aux foules. D'où la nervosité de la droite libérale... Elle installe un filtre acoustique entre le pape et les paroissiens des beaux quartiers : quand François parle de la famille, on l'applaudit très très fort ; quand il parle du capitalisme financier, on ne l'entend plus. Laissons ces gens à leur surdité et soutenons pleinement Jorge Bergoglio, l'homme que le Saint Esprit a donné à la planète catholique.
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[*] Prompte à s'énerver et à parler de « point Godwin » quand quelqu'un compare – même à bon escient – un fait actuel à un fait du temps de Hitler, la presse française de droite ne voit aucune objection à ce que The Economist aille chercher Lénine pour disqualifier une déclaration anticapitaliste du pape.
Voir aussi :
http://plunkett.hautetfort.com/archive/2013/12/03/francois-pape-socialiste-5237271.html#more
11:38 | Lien permanent | Commentaires (5) | Tags : pape françois, christianisme
Commentaires
MODERNE
> En France, ce fut aussi la guerre de la modernité.
Contre l'Autriche-Hongrie sottement dépecée alors qu'on conservait une Allemagne intacte et, pour la seule fois de son histoire, centralisée.
Contre la paysannerie de chez nous, dont la perte des jeunes hommes déclencha l'exode et le déclin de la province.
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Écrit par : Pierre Huet / | 27/06/2014
ET LES COLONIES
> Ce que dit le pape pour 1914/18 est également valable pour les grands empires coloniaux des XIXe-XXe siècles.
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Écrit par : Blaise / | 27/06/2014
PAS SI BÊTE
> Eh oui ! La lecture marxiste de l'histoire n'était pas si bête que ça… à côté des monstruosités actuelles.
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Écrit par : Guadet / | 27/06/2014
LBÉRAUX SANS NUANCES
> PP, pauvre de vous ! « D’où parlez-vous ? » Vous avez illustré le propos de François avec un documentaire sur la première guerre mondiale qui fait vaguement penser à l’école des Annales et pourquoi pas au marxisme. Expliquer la guerre par l’économie… vous n’y pensez pas ? Ou alors il faudra dire que c’est faute de libéralisme (trop de réglementations, de barrières douanières, d’impôts… en 1914) qu’on en est arrivé là.
Vous n’entendez pas déjà Nicolas Baverez, Jean-Marc Daniel… ? Il y a juste une petite erreur dans le documentaire : il y a eu des généraux morts au champ d’honneur pendant premier conflit mondial. J’en ai un dans ma famille.
Il y aurait beaucoup à dire. Tout d’abord on peut (et on a pu être) socialiste sans être marxiste : Charles Fourrier (on voit mal comment il aurait pu être marxiste puisqu’il est mort alors que ce dernier n’avait que 19 ans), Jean-Baptiste Godin (il était déiste et pas Karl Marx), Robert Owen, etc…
Ensuite on peut être socialiste et même parfaitement marxiste et dire des vérités. Il me souvient, par exemple, du livre « Comment se pose aujourd’hui le problème de l’existence de Dieu » par Claude Tresmontant – qui n’était pas marxiste-, ouvrage dans lequel l’auteur montre ce qu’il y avait de philosophiquement parfaitement juste dans la conception de la matière, tout particulièrement celle d’Engels (qui « suinte » le panthéisme de partout et face à laquelle Engels a bien du mal à défendre son athéisme, ce qu’il fait à coup de sophismes, ne pouvant faire autrement). C’est ce qui selon Tresmontant, fait que l’un des plus grands biochimistes soviétique Alexandre Ivanovitch Oparine avait une conception de « l’âme » sensiblement proche de celle d’Aristote (il place dans son ouvrage sur la même page la définition qu’en donne Aristote et un texte d’Oparine : c’est quasiment du plagiat). Alors comme il serait franchement culotté de prétendre qu’Aristote était marxiste, Oparine était-il aristotélicien (Oparine est mort en 1980) ?
Non les marxistes n’ont pas dit que des âneries. Même sur le plan philosophique.
Ce qui n’empêche pas que le marxisme soit intrinsèquement pervers (comme l’enseigne l’Eglise). L’erreur est toujours un mélange d’erreur et de vérité. Il y a même indubitablement certaines vérités dans le libéralisme.
Néanmoins, ce qui fait défaut aux libéraux de notre époque, c’est la nuance, l’appréciation des subtilités… Je me demande franchement d’où ça leur vient. C’est pour moi un vrai mystère. Si vous n’êtes pas a minima sur la ligne sociale-libérale, c’est simple : vous êtes marxiste. Autant dire que le général de Gaulle était marxiste, et pourquoi pas Chirac (il a fait de la relance keynésienne en 75-76 quand il était premier ministre si je ne m’abuse ?)
Ce genre de propos parfaitement stupides ne serait venu à l’esprit de personne il y a encore quinze ans. Aujourd’hui, il n’y a plus aucune nuance ; c’est : marxiste ou libéral.
Alors bien que Jean-Paul II ait parlé d’économie de libre marché ou de libre entreprise, l’Association des économistes catholiques (c’est ainsi qu’ils se revendiquent) fait l’amalgame entre le libéralisme ambiant et Centesimus Annus
Allez, j’ose une provocation (je ne sais pas ce que ça vaut). Nous raconter un discours insipide qui tient à peu près en ceci : « il faut détruire l’Etat-Providence pour mieux le sauver », ça fait pas un peu dialectique, non ? Seraient-ils marxistes tous ces braves gens? Je les vois déjà, triomphants sur les plateaux de télé, fanfaronnant, « moi j’ai sauvé notre modèle social » des SDF pleins les rues, un taux de chômage au top niveau, la précarité en explosion… et eux tous fiers d’eux.
Alors c’est vrai, il y a la reductio ad Hitlerum : ça c’est pour se défendre dès qu’on les attaque. Et puis ils ont aussi inventé la reducito ad Stalinum : ça c’est pour attaquer leurs ennemis. A mon avis ce n’est pas comme ça qu’on construira grand-chose d’intelligent.
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Écrit par : ND / | 27/06/2014
PRÉCISIONS
> Petite précision sur l'Autriche-Hongrie : En 1866 Napoléon III, sur de mauvaises informations remontées par son gouvernement, commit une erreur en n'intervenant pas ni ne menaçant d'intervenir. Ensuite il prit conscience de la supériorité militaire de la Prusse mais son ouverture libérale l'empêchait 1) de réorganiser et de revoir l'armement des armées française,s 2) d'éviter la guerre de 1871.
Ensuite l'Autriche-Hongrie affaiblie fut contrainte de reconnaitre la supériorité de la Prusse et afin de s'assurer de la paix avec celle-ci finira par passer des accord d'alliance.
En 1914, l'armée française n'était toujours pas au niveau, encore une fois ce furent les Allemands qui souhaitaient le plus la guerre, mais, on ne le dit pas assez, aussi l'Angleterre qui s'impatientait de ne pouvoir en découdre avec ce nouvel empire de Prusse, surtout que depuis celui-ci eut pris au Danemark le Schleswig-Holstein (lien mer du Nord) et mettait en place une marine capable de surpasser la Royal Navy (Angleterre qui tirait sa richesse son commerce avec ses colonies donc dépendant des voies maritimes).
En 1919 Clemenceau bouffeur de curé voulait à toute force détruire le dernier empire chrétien d'Autriche-Hongrie (les bolcheviques étant en train de se charger de celui de Russie). Anglophone, il imposant l'anglais dans les réglements de paisx afin d'en écarter Briand pas assez anti-catho, trop pacifiste. Même les Américains n'étaient pas partisans de solutions aussi radicales, mais pourtant il réussit à s'imposer.
Napoléon III et François-Joseph ont pu faire quelques erreurs mais par maladresse, pas par intentions malveillantes, on ne peut en dire autant de Bismarck ou de Clemenceau. Et pourtant ces derniers sont plus considérés dans les manuels d'histoire.
Il suffit de quelques riens pour que des erreurs historiques soient commises et qu'on en porte le poids des décennies.
Comme Napoléon III eut pour adversaires et les révolutionnaires et les partisans d'un régime autoritaire (aux 4 référendums demandés aux Français contre l'Assemblée, il reporta à chaque fois une victoire au delà de ses propres attentes),
l'Eglise catholique, et en premier lieu son représentant, doit se battre contre deux fronts, d'un côté les partisans du système négationnistes de l'homme (idéologie communiste), de l'autre les partisans de l'individualisme négationnistes du bien commun de l'homme en général (les "purs" libéraux). En matière de combat avoir des ennemis et à sa droite et à sa gauche n'est pas chose aisée.
Même si on sait que si on l'interrogeait directement la majorité silencieuse, elle, apporterait son soutien, au jour le jour celle-ci reste influençable par les "minorités" hargneuses qui donnent perpétuellement de la voix.
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Écrit par : franz / | 28/06/2014
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